Que nous soyons professionnels de la relation d’aide ou non, nous connaissons le concept de somatisation : « Je suis stressé, j’ai mal au cou ! J’en ai plein le dos etc. ». Ou comment le stress et nos émotions mal gérées impactent le corps. En sophrologie, nous parlons fréquemment de somatisation positive. Pour résumer, si le négatif a des conséquences néfastes sur le soma (corps en grec), pourquoi l’inverse ne vaudrait-il pas ? C’est ainsi que les visualisations positives prennent tout leur sens dans notre profession.
Que dire de l’impact des sites d’informations continues qui entretiennent la durée de vie des méfaits de notre société ? Mon avis sur le sujet est clair : ces sites devraient reverser une partie de leurs bénéfices à la sécurité sociale afin de compenser la morosité voire les dépressions générées. En effet, la liberté d’informer est une chance qui ne doit pas justifier de passer sa vie devant des scènes d’horreur, de désolation, de violence ou de misère. Notre cerveau engramme ces images et notre corps subit. S’informer oui, se désintégrer non.
Dans un article du 3 juin dernier, le site LeMonde.fr, pose la question suivante : « Faut-il faire de l’information positive ? ». Je vous invite à prendre connaissance de son contenu qui va dans le sens d’un des principes fondamentaux de la sophrologie, le principe de l’action positive.
« La guerre, le terrorisme, la corruption et les crises politiques font bien souvent l’ouverture des journaux télévisés et la « une » des sites d’information. On finirait par penser qu’il ne se passe que des choses atroces dans le monde. Or, il se passe aussi beaucoup de choses positives, dont l’impact est peut-être moins immédiat, moins « transformateur » à court terme qu’une crise géopolitique, mais tout aussi essentiel : on repousse des épidémies, on invente de nouveaux médicaments, on apprend peu à peu à dépenser moins d’énergie…
De nombreuses études psychologiques ont montré que les gens préfèrent les actualités négatives. Un vieil adage des rédactions anglo-saxonnes dit d’ailleurs « if it bleeds, it leads », « s’il y a du sang, ça fait la une ». En 2007, le Pew Research Center avait combiné 165 sondages sur les préférences des Américains en termes d’actualité. La guerre et le terrorisme arrivaient en tête, loin devant le sport et le divertissement. Mais l’arrivée des réseaux sociaux a légèrement transformé la donne. En effet, les nouvelles « positives » sont plus partagées en ligne que les contenus négatifs.
Liens entre émotion et viralité
Une étude réalisée par l’université de Pennsylvanie a tenté d’évaluer les liens entre émotion et viralité en analysant trois mois de contenus publiés sur le site du New York Times, soit près de 7 000 articles. Selon les résultats de cette étude, les articles les plus positifs ont plus de chances de se retrouver dans la liste des « contenus les plus partagés par e-mail ». Notons que la même expérience peut être réalisée à peu près n’importe où, en observant les partages sur les réseaux sociaux. Chez Big Browser, par exemple, où il suffit de relayer l’histoire d’une grand-mère qui préfère partir en road trip plutôt que de faire sa chimiothérapie pour se retrouver en tête des articles les plus partagés.
Si l’on choisit d’être cynique un moment, les médias auraient donc aujourd’hui tout intérêt à diffuser plus d’informations positives, tout simplement parce qu’elles génèrent plus d’audience. Beaucoup ont essayé. Le site Upworthy, par exemple, fonctionne sur la base d’une ligne éditoriale axée sur le divertissement et les contenus « socially conscious », c’est-à-dire tout type d’histoires susceptibles de célébrer la générosité, le progrès ou l’égalité. Les internautes sont invités à proposer leurs idées. Ouvert en 2013, Upworthy a été propulsé en quelques mois en tête des sites dont les contenus sont les plus partagés sur Facebook, selon Business Insider.
« Solutions, innovations, réponses »
Le problème de l’information positive est que la joie n’est pas en soi un critère pour déterminer la valeur d’une information. Tout comme on ne choisit pas de parler des migrants « parce que c’est triste », on ne peut pas choisir de traiter une actualité « parce qu’elle est positive ». Ce n’est tout simplement pas une raison suffisante (sauf chez Jean-Pierre Pernaut). À ces nouvelles positives, on pourrait donc reprocher leur futilité, leur déconnexion d’avec les problèmes du monde réel. Sur le fil entre information et divertissement, celles-ci n’auraient donc pas leur place dans un média d’information comme le Guardian.
Le quotidien britannique a néanmoins demandé à ses lecteurs s’ils apprécieraient de lire plus de nouvelles positives. « Un nombre significatif d’entre eux nous a répondu que nous voyions constamment le verre à moitié vide », explique le site du Guardian. Les lecteurs sont invités à proposer leurs idées, via un formulaire disponible en bas de l’article, pour alimenter une nouvelle série d’articles intitulée « Half full », « à moitié plein ». Sous-titrée « solutions, innovations, réponses », la série « Half full » propose déjà deux articles : l’un sur les solutions imaginées par des start-up pour nourrir la planète, et l’autre sur le revenu universel.
Le « journalisme constructif » veut donc prendre le contre-pied de l’opposition entre le divertissement pur et l’information « sérieuse » forcément négative, en montrant qu’il est possible de proposer un journalisme positif sans appauvrir l’information. Non, le positif n’est pas forcément cantonné aux chats qui font du skateboard ou à ces vidéos de soldats américains retrouvant leurs enfants, qui resurgissent tous les ans des profondeurs de l’internet. Les « nouvelles positives » seraient centrées sur les solutions plutôt que sur les problèmes. Leur sérieux, leur valeur informative et leur importance ne seraient pas entamés pour autant.
C’est en tout cas ce que promet le Guardian : « Ceux qui ont essayé de s’opposer au cours habituel des actualités ont souvent été tournés en dérision. On les accusait de tomber naïvement dans le piège de la futilité et du buzz, ou alors de passer à côté de l’info. Nous croyons qu’il existe un juste milieu. Ce ne sont pas des “bonnes nouvelles”, mais un journalisme constructif, centré sur les solutions et les réponses, sans pour autant les approuver. »