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Croyances et neurosciences, tout savoir sur la méditation (2/3)

Mathieu Ricard et le docteur David Richardson

arbreasanameditationChose promise, chose due. Voici la deuxième partie de l’article portant sur la méditation et paru le mois dernier dans le magazine Néosanté. Dans la première partie, son auteur, Carine Anselme, introduisait le sujet en évoquant les bienfaits de la méditation sur la réduction du stress, l’essor des neurosciences contemplatives, la méthode MBSR et les miracles de la respiration. Dans cette deuxième partie, elle nous parle neuroplasticité du cerveau, résistance à la douleur et pouvoir de guérison corps/esprit. 

TRANSFORMER LE CERVEAU

« Il paraît que la personne la plus heureuse du monde serait Matthieu Ricard C’est en tout cas ce qu’ont décrété les scientifiques ! L’image est célèbre : le neurologue Richard Davidson, de l’université du Wisconsin, branche 256 capteurs sur le crâne de ce moine bouddhiste (par ailleurs, docteur en génétique cellulaire, auteur et homme engagé). Les scanners montrent, en tout cas, que lorsqu’il médite, le cerveau du moine produit un niveau d’ondes gamma – lié à un état élevé de conscience, à l’attention, l’apprentissage et la mémoire – jamais relevé auparavant dans la littérature des neurosciences. Si des études rudimentaires existaient, depuis les années 1950, portant sur des personnes parties méditer en Inde ou, plus tard, sur des pratiquants du zen, il a fallu attendre les travaux du neuroscientifique Francisco Varela et la création de l’Institut Mind & Life pour que le champ de la méditation soit réellement étudié pour ses bienfaits.

Au fil des rencontres Mind & Life (entre scientifiques et méditants, sous l’égide du Dalaï-Lama), des données de plus en plus précises et concrètes (notamment grâce aux progrès de l’imagerie cérébrale) montrent que l’esprit influence bien la matière et le corps. Pour Richard Davidson, « ces travaux semblent démontrer que le cerveau peut être entraîné et modifié physiquement d’une manière que peu de gens auraient imaginé ». On observe en effet rapidement des différences fonctionnelles entre le cerveau des méditants experts (comptabilisant 10 000 heures de méditation) et celui des novices. Afin de s’assurer que ces différences étaient bien dues à l’entraînement à la méditation et non à des différences individuelles, les chercheurs ont mesuré des marqueurs comportementaux et neuro-électriques de l’attention chez les méditants avant et après trois mois intensifs de méditation (de douze heures par jour).

Les résultats ne se font pas attendre, démontrant que l’entraînement à la méditation provoque des changements fonctionnels dans le cerveau en induisant de la neuroplasticité ; c’est-à-dire une réorganisation de l’activité neuronale qui favorise la conscience, l’attention et la compassion. En pleine méditation, les scientifiques mesurent une activité électrique jusqu’à huit fois supérieure à un cerveau non-entraîné et découvrent que certaines zones qui d’habitude s’ignorent se connectent les unes aux autres ! Des études spécifiques permettent de mieux saisir les effets des différentes formes de méditation. Il s’agit, ici, de repérer quelles parties du cerveau deviennent actives quand un pratiquant s’engage dans une méditation sur l’attention focalisée, sur l’amour altruiste, sur la présence ouverte, etc.

Mathieu Ricard et le docteur David Richardson

Mathieu Ricard et le docteur David Richardson

« Chaque type de méditation a une signature différente dans le cerveau. Peu à peu, à mesure que l’on s’entraîne, le cerveau change, fonctionnellement et structurellement. La personne change aussi, bien sûr… Dans l’une de ces études, donc, on a fait par exemple entendre alternativement aux méditants expérimentés et à un groupe de débutants le cri d’une femme en proie à la peur. On a alors constaté que les pratiquants aguerris écoutaient les cris de terreur sans manifester de réaction d’évitement ou de détresse. En même temps, on voyait s’activer chez eux toute une gamme d’émotions positives comme l’empathie, la bienveillance, la compassion, alors que les gens du groupe témoin, en écoutant ces mêmes cris, tentaient d’opérer une sorte d’anesthésie mentale. Ces pratiquants réagissaient de façon semblable quand on leur imposait une douleur. Ils percevaient son intensité au moins autant, sinon plus, que sur les sujets non entraînés, mais ils manifestaient moins d’appréhension quand l’intensité de la douleur augmentait, et retrouvaient plus vite leur calme quand la douleur s’arrêtait », explique le moine Matthieu Ricard, au cœur de son dialogue avec le philosophe Alexandre Jollien et le psychiatre Christophe André, dans leur best-seller Trois amis en quête de sagesse.

VIBRER À L’UNISSON

Et si méditer permettait de se mettre au diapason de la vibration de la vie en soi, synonyme d’équilibre et de (bonne) santé ? « Chacune de nos cellules vibre. L’eau dans nos cellules vibre. Au sein de notre organisme, les informations sont transmises par des vibrations. La vie est vibration. En méditation, notre cerveau émet des ondes longues. Nos cellules vibrent à l’unisson, se synchronisent. Assis en silence, nous pouvons percevoir en nous la vibration de la vie. Les voies spirituelles parlent d’alignement » partage la psychothérapeute Isabelle Filliozat, dans son récent ouvrage, Les chemins de la joie.

Il est clair, en tout cas, que la méditation unit, unifie même, le corps et l’esprit, si souvent séparés par la vision matérialiste scientifique. Contrairement à certaines croyances, le corps est bien présent dans les pratiques méditatives (qu’elles soient immobiles ou en mouvement, à l’instar du qi gong, du yoga ou de la marche consciente lente du kin hin dans la pratique du zen). Méditer, c’est utiliser son corps comme « media » pour s’accorder à la vibration de la vie en soi, à la vibration du monde. « La croyance de certains Occidentaux en la suprématie du mental les a amenés à ne s’intéresser qu’au côté méditatif et planant des pratiques spirituelles orientales. Et, de ce fait, ils ont négligé le côté corporel et ancré de la spiritualité, où l’énergie – lien entre la pensée et la matière, entre le mental et la chair – joue un rôle considérable », relève Thierry Janssen.

De l’importance de la posture en méditation. « Il est certain qu’elle a une influence sur nos états mentaux. Si on médite dans une posture trop relâchée, on a de fortes chances de somnoler. A l’inverse, avec une posture trop tendue, on favorise l’agitation du mental. Il faut trouver un juste milieu. Quand on peut difficilement s’asseoir les jambes croisées, on peut méditer sur une chaise ou un coussin surélevé, ou même couché. Il faut éviter de laisser le corps pencher à gauche ou à droite, en avant ou en arrière. Les textes disent que dans un corps bien droit, les canaux d’énergie subtile sont également droits, et que cela favorise la clarté de l’esprit », conseille Matthieu Ricard. Et l’énergie, circulant librement, favorise aussi l’harmonie, la santé, voire la guérison.

GUÉRIR LE CORPS ET L’ESPRIT

Recherches (sur la méditation) à l’appui, il n’est désormais plus farfelu d’envisager une influence majeure des événements mentaux sur le corps. Ainsi, la technique de réduction du stress par la pleine conscience (MBSR) est-elle maintenant utilisée dans des centaines d’hôpitaux à travers le monde. Or, en comprenant l’effet des états mentaux sur le corps, on comprend mieux l’effet placebo qui favorise des guérisons inespérées. « La méditation est le plus noble des placebos », s’enthousiasme Matthieu Ricard. Plutôt que d’absorber des petites pilules dépourvues de principes actifs, méditer permet en effet de travailler directement sur notre esprit pour améliorer les effets qu’il a sur notre corps. C’est ce qu’a pu expérimenter très concrètement, physiquement, le Dr Joe Dispenza, auteur du livre Le placebo, c’est vous. A force de méditation, concentration et visualisation, par le seul pouvoir de l’esprit, il s’est guéri de la paralysie, après avoir été renversé par un véhicule lors d’un triathlon.

Meditation Fleurs _ Photo by Chris Ensey UnsplashIl explique : « Deux fois par jour, et ce, durant deux heures, je m’efforçais de plonger à l’intérieur de moi-même, de méditer et de visualiser le résultat escompté, soit une colonne vertébrale complètement restaurée. Ironiquement, je fis alors le constat que, lorsqu’une crise ou un traumatisme se produit, nous consacrons l’essentiel de notre attention et de notre énergie à penser à ce que nous ne voulons pas au lieu de penser à ce que nous voulons. Durant les premières semaines, j’avoue avoir cédé sans retenue à ce travers. Finalement, après six semaines de combat contre moi-même et après avoir consenti à un maximum d’efforts pour être présent et en synergie avec cette conscience, je pus poursuivre mon processus de reconstruction interne… Je me souviens encore du jour où j’y suis parvenu… C’était comme frapper une balle de tennis sur la zone d’impact idéale d’une raquette. Il y eut une sorte de déclic. Et je me suis aussitôt senti complet, satisfait et entier. Pour la première fois depuis mon accident, j’étais vraiment détendu et présent à la fois dans mon corps et dans mon esprit. Il n’y avait aucune rumination mentale, aucune analyse, aucune pensée, aucune obsession, aucune tentative particulière », témoigne-t-il.

Après sa guérison, il suit une formation postdoctorale en neurosciences, mène des recherches scientifiques et anime des séminaires dans le monde entier, durant lesquels il enseigne comment utiliser la méditation, ainsi que les découvertes de pointe des neurosciences et de la physique quantique pour reprogrammer le cerveau. Une nouvelle génération de chercheurs a inventé un terme pour définir sa pratique : celui de « neuroplasticité autorégulée ». Autrement dit, nous serions à même d’ordonner la formation de nouvelles voies neuronales et la destruction de voies plus anciennes par la qualité des expériences que nous vivons.

« Environ un an et demi après avoir lancé notre premier atelier, mon équipe et moi-même reçûmes plusieurs courriels de nos participants, qui faisaient état des changements positifs qu’ils expérimentaient en pratiquant les exercices de méditation sur une base régulière. Nos participants faisaient mention non seulement de changements subjectifs dans leur santé physique, mais également d’amélioration dans les mesures objectives de leurs analyses et examens médicaux. Parfois même, les résultats de leurs examens étaient parfaitement normaux », poursuit Joe Dispenza. Lors de ses séminaires, où il propose entre autres des méditations, des rémissions spontanées se produisent.

Il s’interroge : « Pour que quelqu’un, souffrant depuis des années d’une condition médicale telle que le lupus, se sente transformé après une méditation d’une heure, quelque chose de vraiment significatif devait s’être produit dans l’esprit et le corps de cette personne… » Pour comprendre, il met sur pied, en 2013, un événement novateur. Pour ce faire, il convie des experts (neuroscientifiques, techniciens, spécialistes de la physique quantique) et leur matériel d’avant-garde : électroencéphalographie pour mesurer l’activité électrique du cerveau (EEG), outil pour mesurer la variabilité cardiaque, scanographie du cerveau et même des instruments pour mesurer le champ électromagnétique de la salle, afin de constater si l’énergie ambiante se modifiait au fur et à mesure que l’atelier progressait.

« Durant l’évènement, qui durait quatre jours et rassemblait 200 personnes, nous avons également sélectionné de façon aléatoire des participants ayant accepté de se soumettre à des scintigraphies cérébrales, et ce, afin de mesurer en temps réel tout changement constaté dans les tracés des ondes cérébrales alors qu’ils participaient aux trois séances de méditation que j’animai chaque jour. Ce fut un moment particulièrement émouvant. Une personne atteinte de la maladie de Parkinson n’avait plus aucun tremblement. Une autre, qui souffrait d’un traumatisme cranio-cérébral, était guérie. Des participants atteints de tumeurs cérébrales ou corporelles constatèrent que ces excroissances avaient disparu. De nombreux individus souffrant de douleurs arthritiques déclarèrent ne plus ressentir de douleur pour la première fois depuis des années », partage-t-il. Comment est-ce possible ?

Suite et fin dans la partie trois de cette série d’articles consacrée à la méditation.

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